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Universités: le pouvoir des présidents remis en cause

Azzedine El Midaoui est monté au front devant les députés de la Commission de l’éducation à la Chambre des conseillers, pour dénoncer les dérives structurelles qui sous-tendent la gouvernance des universités marocaines. Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, qui a déroulé aussi les grandes lignes de la réforme ambitieuse intégrée dans le nouveau projet de loi sur l’enseignement supérieur, n’a pas fermé la porte à la concertation avec l’ensemble de la communauté universitaire, pour lever tous les malentendus qui s’expriment. 

Le moment est clairement historique. Un ministre en exercice qui ose évoquer les vraies questions. Comment mettre fin à la toute-puissance des présidents d’université,  quel ministre aurait le courage suffisant pour mettre fin à un manque criant de collégialité, quelle réforme courageuse pourrait aboutir à la mise en place d’un contre-pouvoir contrôlant la prise de décisions de président plutôt manager et maître absolu à bord ?  

Il semble que l’actuel détenteur du portefeuille de l’enseignement supérieur, soit vraiment résolu à «rendre la gouvernance des universités plus démocratique».

C’est du moins ce que Azzedine El Midaoui est venu défendre devant la Commission de l’enseignement de la Chambre des conseillers, où il n’a pas hésité à pointer du doigt l’un des dysfonctionnements structurels les plus graves du secteur : l’absence quasi totale de mécanismes de contrôle sur l’action des présidents des universités, qu’il n’hésite pas à qualifier de « pouvoir sans contre-pouvoir ».

Dans cette prise de parole inédite, le Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, est parti de son expérience personnelle pour jeter la lumière  sur les dérives du statut du président de l’université, ainsi que les entorses aux différentes missions qui lui incombent.

Le Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation a mis les pieds dans le plat en étalant noir sur blanc une expérience personnelle: «J’étais président d’université: si je voulais travailler, je travaillais. Si je ne voulais pas, je ne travaillais pas. Personne ne me demandait de comptes. Personne ne m’interrogeait sur les réalisations, ni sur l’exécution budgétaire » ! Voilà l’état des lieux de toutes les universités du Royaume, alors que le principe même d’une charge publique impose une reddition des comptes. « Même le Chef du gouvernement se présente une fois par mois devant le Parlement », a-t-il martelé ! Dans sa lancée, le responsable a poussé l’heure de vérité jusqu’à dérouler une conséquence grave de ce manque flagrant de responsabilité : la rupture de la continuité dans les politiques universitaires, puisque chaque nouveau président veut imposer son propre programme et jeter à la poubelle les réalisations du prédécesseur. 

Pourtant, rappelle le Ministre « L’autonomie financière des universités atteint 97 %. La tutelle ne décide pas, elle ne signe pas. Les établissements reçoivent plus de 98 % du budget du ministère, et c’est le président qui exécute. Le ministère ne se mêle pas du tout du détail de la gestion » ! 

Que faire alors ? Une réforme du statut des présidents d’université pour modifier le système de gouvernance ?  C’est un peu ce que propose le nouveau projet de loi sur l’enseignement supérieur qui introduit plusieurs mécanismes inédits. Les pouvoirs publics entendent bien maintenir leur rôle de superviseurs tout en renforçant l’autonomie des universités, avec une gouvernance participative concrétisée par la mise en place d’un Conseil des gouverneurs dans chaque établissement. Présidé par le ministre ou son représentant, il associera des acteurs institutionnels, économiques et académiques afin de rapprocher l’université de son environnement socio-économique. Ce conseil des gouverneurs est une instance indépendante chargée de superviser les stratégies, les projets, les contrats entre l’État et les universités. Une nouveauté : ses rapports ne seront pas adressés au ministère mais directement au Chef du gouvernement, garantissant ainsi une autonomie renforcée et une supervision dépolitisée.

Dans le même esprit, le projet introduit un cadre spécifique pour la structuration des réseaux de présidents d’université et de directeurs d’établissements, afin d’assurer une meilleure cohérence des décisions académiques et administratives. 

Un petit bémol cependant, le Ministre a tenu à ne pas se mettre à dos les présidents d’université en insistant sur le fait que la réforme qui vise avant tout l’intérêt général et la qualité du service rendu aux étudiants, n’est pas dirigée contre les universités mais au service de leur modernisation. « Nous avons une réelle ambition pour l’université marocaine. Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour l’étudiant et pour l’avenir du pays », insiste-t-il, assurant que l’objectif final est de doter les universités de mécanismes solides, transparents et responsables, à la hauteur des enjeux nationaux.

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Certes le président d’université, en sa qualité d’enseignant-chercheur, jouit d’un principe d’indépendance qui constitue même un principe fondamental reconnu par les lois du royaume, mais tout pouvoir ne peut exister qu’avec un contre-pouvoir, en témoigne le modèle de gouvernance dominant dans le monde anglo-saxon, considéré comme le meilleur,  parce qu’il tend bien à une autonomie réelle allant de pair avec la nécessité de contrôler effectivement la capacité d’un président à jouer son rôle de «coordonnateur et stratège». Pour le gouvernement, accusé de tous les maux et surtout ceux de la santé et de l’enseignement, la sortie d’El Midaoui est du pain béni , ce qui lui permet d’anticiper la bataille de communication auprès du public et d’utiliser l’espace du parlement pour faire de la pédagogie, et pour ramener le fond du dossier dans le débat public. 

La bataille d’influence téléguidée de l’extérieur ( dixit les plateformes numériques) pour forcer la main aux jeunes censés se révolter contre les insuffisances de l’exécutif , en la matière, a bien réussi à cliver l’opinion, mais il reste qu’une bonne décision en politique, c’est une décision qui est bien comprise par toutes les parties, puis par le grand public, car le gouvernement agit en principe, au nom de la société et au nom des électeurs qui l’ont porté au pouvoir.

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Mots Clés :

Azzedine El Midaoui | Universités marocaines | Gouvernance | Réforme éducative | Enseignement supérieur | Responsabilité | Conseil des gouverneurs | Innovation

 


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