
France| Burn-out étudiant : « Je ne pouvais pas avoir envie de mourir à cause de mes études »
« Quand j’ai commencé à avoir des idées suicidaires, ça a été l’électrochoc. » Elena Fournier, 25 ans, était alors étudiante en médecine, en première année d’internat. Une situation d’épuisement et de burn-out qu’elle impute essentiellement à sa formation. « Je n’avais jamais ressenti cela à l’adolescence. Ma vie personnelle allait très bien, j’étais en couple depuis un moment, tout allait très bien aussi avec ma famille. Je me suis alors dit qu’il y avait quelque chose d’anormal : je ne peux pas avoir envie de mourir à cause de mes études - et rester comme ça ! »
La jeune femme, alors en Martinique, n’arrivait plus à se rendre sur son lieu de stage, pleurant sur le trajet, en raison du stress et de l’anxiété. Elle alerte ses responsables et bénéficie d’une cellule de soutien qui avait été mise en place auparavant, à la suite du suicide d’un interne. Pendant plusieurs semaines, elle alterne des périodes où elle reprend sa formation et d’autres où elle s’arrête. En plus du suivi par un psychiatre et un psychologue, Elena prend également des antidépresseurs. « Cela m’a aidé à diminuer les symptômes. Mais il m’a fallu aussi rééduquer mon cerveau, pour ne plus voir mon travail et mon stage comme une source de stress. »
Comme elle, de nombreux étudiants souffrent d’épuisement et de burn-out chaque année. Et pas seulement en médecine. « Cela touche globalement toutes les filières, confirme Elisa Mangeolle, porte-parole de la Fage, organisation étudiante. Il y a un énorme tabou sur la question, aussi il est difficile d’avoir une estimation précise du nombre d’étudiants concernés. » De nombreux facteurs pèsent sur la santé mentale des étudiants : concours, pression forte (dès le lycée avec Parcoursup), charge de travail… À cela s’ajoute l’inquiétude de la précarité, qui touche de plus en plus d’étudiants. « Nous le constatons dans nos distributions alimentaires : nombreux sont en détresse, ce qui a forcément un impact sur leur mental », précise Elisa Mangeolle.
« Tout devenait source d’angoisses »
« À un moment, je me suis rendu compte que tout devenait source d’angoisses. Je n’arrivais plus à sortir de boucles de pensées, je prenais certains problèmes beaucoup trop au sérieux. » À 21 ans, Aline (le prénom a été modifié) a elle aussi souffert d’un burn-out pendant ses études. « C’était après le Covid, la pandémie avait isolé tout le monde. J’avais eu besoin de me salarier pour financer mes études. À cela s’ajoutaient la charge de travail et un engagement associatif - même si j’ai plutôt trouvé que ce dernier me tirait vers le haut. » Une accumulation silencieuse, et progressive qu’elle n’a tout d’abord pas vu venir.
Comme beaucoup, elle a attendu avant d’aller chercher de l’aide. « Quand on en est là, on va tellement mal qu’on n’a pas le recul nécessaire. On se dit qu’on voit des gens autour de nous qui vont encore plus mal, donc que nous ne sommes pas prioritaires, que nous, ça va… » Finalement, la jeune femme s’est ouverte à sa mère, sensibilisée sur le sujet. Elle a pu bénéficier des chèques psy, mis en place par le gouvernement, et a pu être prise en charge, gratuitement, pendant plusieurs séances. « La situation s’est améliorée pour moi, car j’ai la chance d’être bien entourée et de ne pas être dans une précarité extrême. J’ai fait le choix de faire une année de césure associative, pour me recentrer sur ce que je veux faire de mon futur. »
« Les langues commencent à se délier »
« Parmi les symptômes il y a une grosse fatigue, mais aussi une irritabilité, des pensées négatives, un stress qui ne les quitte pas… » détaille Marjory Chavoudiga, 33 ans. Ayant elle-même souffert de burn-out, la jeune femme est aujourd’hui à la tête de l’association Hypersens, à Toulouse, et propose de la prévention aux étudiants, en intervenant notamment au sein d’établissements partenaires. « Les langues commencent à se délier. Les jeunes sont plus attentifs à leur bien-être », se félicite-t-elle, même si elle constate que l’entourage prend souvent les symptômes à la légère.
Outre ces interventions, Hypersens propose également des ateliers gratuits, animés par des professionnels : apaiser son stress, améliorer son sommeil ou encore booster sa confiance en soi. L’objectif est de donner aux étudiants le maximum de clés pour prendre soin de leur santé mentale… avant qu’il ne soit trop tard. « Cela nous permet de leur rappeler qu’il y a des signes avant-coureurs d’un épuisement. Il est essentiel d’être à l’écoute de son corps et de ses sensations », appuie Marjory Chavoudiga, formée en secourisme en santé mentale.
« Les étudiants ne sont pas juste un numéro »
Depuis la crise du Covid-19, où les confinements et le distanciel ont massivement pesé sur le moral des étudiants, les établissements ont également davantage pris conscience des difficultés que pouvaient rencontrer leurs élèves. Ainsi, l’Ecole des Mines de Nancy a développé différents outils pour prévenir et repérer les situations de détresse psychologique.
« Nous avons la chance d’avoir de petites promotions, nous pouvons nous permettre un vrai suivi individuel, explique Yves Meshaka, enseignant-chercheur et coordinateur de la vie étudiante de l’établissement. Les étudiants ne sont pas juste un numéro. »
Il a ainsi mis en place un baromètre du bien-être, sous forme de questionnaire, qui permet de suivre l’état psychologique des étudiants. Et surtout son évolution au fil du temps. « Nous avons des étudiants qui sortent de 2 années de classes préparatoires, où ils ont tout donné. Une fois en école d’ingénieur, il y a un relâchement, auquel s’ajoute souvent un éloignement familial, des questions sur le sens de leur vie, de l’éco-anxiété… » énumère-t-il. L’École des Mines de Nancy propose un tutorat, des ateliers de méditation et de gestion du stress animés par une enseignante mais aussi des espaces d’échanges et de dialogue, et des consultations avec des psychologues.
Après avoir arrêté sa formation, Elena Fournier, l’ancienne étudiante en médecine qui a réussi à dépasser son burn-out, s’est lancée dans le coaching, avec son entreprise Colibri libre, pour accompagner des personnes qui traversent les mêmes difficultés. « Je me suis rendu compte qu’il y avait une vraie problématique de la prise en charge, avec un manque de parcours, de solutions concrètes. J’ai lu plein de bouquins, je me suis renseignée sur de nombreuses thérapeutiques et je me suis formée », détaille-t-elle. Depuis, elle a développé ses propres outils et accompagne une douzaine d’étudiants pour une durée de 4 mois - renouvelables si nécessaire.
« Quand je n’allais pas bien, j’ai beaucoup été soutenue par mon entourage. C’est une des raisons qui m’a donné envie de me lancer : quand j’ai vu comment je me sentais, malgré le soutien et l’amour que je recevais, je me suis dit que cela devait être un enfer pour les personnes isolées. » Et elle espère pouvoir prochainement élargir sa méthode et son accompagnement à des étudiants d’autres filières.
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Mots Clés : burn-out|études|santé mentale|étudiants|prévention|accompagnement|stress|épuisement