La doctrine de sécurité Trump 2025 et le Maroc
La nouvelle doctrine de sécurité américaine dévoilée par Donald Trump redessine les priorités géopolitiques de Washington: recentrage sur l’hémisphère occidental, non-interventionnisme sélectif et recours assumé à la guerre économique. Cette stratégie ouvre au Maroc une fenêtre d’opportunités inédite: renforcer sa souveraineté sur le Sahara, consolider sa puissance militaire et régionale, et s’affirmer comme plateforme stratégique des investissements américains en Afrique. Une recomposition majeure des rapports de force est en gestation.
La nouvelle doctrine de sécurité de Donald Trump, rendue publique ces derniers jours à travers la National Security Strategy 2025 (NSS), consacre une inflexion majeure de la posture stratégique américaine. Elle repose sur quelques principes cardinaux: un «America First» assumé et un recentrage strict sur les intérêts américains, la revendication d’une prédominance en Amérique latine et dans l’hémisphère occidental, un non-interventionnisme sélectif adossé à un pragmatisme géopolitique revendiqué, ainsi que la «guerre économique» érigée en instrument central de politique étrangère et de sécurité. Le document identifie l’Europe comme un continent menacé d’«effacement civilisationnel» et décline une vision dans laquelle les États-Unis renoncent à leur rôle traditionnel de «gardien global de l’ordre libéral», pour donner la priorité à l’«hémisphère Ouest». Une recomposition géopolitique de premier ordre.
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À Rabat, cette doctrine Trump 2025 est lue avec attention et lucidité. Le Maghreb, dans son état actuel, se caractérise par une instabilité structurelle: une Algérie fragilisée par la dépendance à une économie mono-exportatrice et une succession politique désormais à ciel ouvert; une Libye éclatée, fragmentée, difficilement gouvernable; une Tunisie qui s’enfonce dans une crise politico-économique prolongée. Ce paysage contraste fortement avec le Maroc, qui se distingue par sa stabilité institutionnelle, son ouverture économique, son influence diplomatique et un positionnement atlantico-africain assumé. Le Royaume s’est fixé plusieurs objectifs stratégiques: faire de la reconnaissance, en décembre 2020, de la marocanité des provinces du Sud par le président Trump un axe structurant et durable de l’action des administrations américaines; accélérer et consolider sa montée en puissance militaire pour conforter sa capacité de dissuasion régionale; promouvoir la place du pays comme plateforme africaine des entreprises américaines; contribuer à la stabilisation de l’Atlantique Sud, du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest; enfin, se hisser au rang de hub énergétique (gaz, hydrogène, interconnexions électriques), adossé à des projets structurants (gazoduc Nigeria-Maroc, hydrogène vert, offshore atlantique).
Face à la doctrine Trump 2025, Rabat privilégie ainsi un ensemble de piliers déjà esquissés depuis plusieurs années. Le premier renvoie à la consolidation stratégique du dossier national: ancrer la reconnaissance américaine dans le temps long, élargir encore le cercle des soutiens explicites au plan d’autonomie, renforcer la perception du Maroc comme puissance régionale stabilisatrice. Dans cette perspective, l’hypothèse d’un accord de partenariat stratégique de long terme avec Washington ne relève plus de la seule spéculation diplomatique. Il s’agirait également de travailler à une institutionnalisation de la position américaine via, par exemple, une résolution conjointe des deux Chambres du Congrès confirmant la souveraineté du Maroc sur ses provinces méridionales récupérées, ainsi que par un renforcement tangible de la présence économique des États-Unis dans les zones industrielles de Dakhla et Laâyoune. Une telle architecture donnerait à la position américaine un caractère structurel et difficilement réversible, au-delà des alternances à Washington.
«Conscient du cycle politique et diplomatique en cours à Washington, le Royaume s’emploie à transformer cette conjoncture en avantage historique, articulé autour de quelques principes directeurs: sécuriser sa souveraineté, consolider sa puissance régionale et accélérer son développement économique.»
Sur le plan sécuritaire, la priorité est tout aussi claire: élargir et approfondir la coopération militaire et de défense, maintenir une supériorité militaire régionale crédible, améliorer l’interopérabilité avec l’US Army, l’US Air Force et l’AFRICOM. La feuille de route signée le 2 octobre 2020, à horizon 2030, constitue le cadre de cette montée en gamme, notamment via l’acquisition de technologies avancées. De quoi conforter le Maroc dans son rôle d’allié sécuritaire incontournable en Afrique du Nord et de l’Ouest.
L’ambition marocaine ne se limite pas au champ militaire. La doctrine Trump 2025 évoque explicitement le Maroc comme hub potentiel des investissements américains, avec l’objectif affiché d’atteindre quelque 50 milliards de dollars d’investissements d’ici 2030. Les leviers sont multiples: création d’une US–Morocco Industrial Zone à Dakhla (automobile, aéronautique, énergies renouvelables…), incitations fiscales ciblées pour les groupes américains, positionnement renforcé de Tanger Med comme hub logistique USA–Africa, co-investissements dans l’hydrogène vert en attirant les majors américaines (GE, Tesla Energy, Exxon, Chevron, entre autres). L’enjeu est clair: faire du Maroc, à terme, la plateforme africaine de référence du commerce et des investissements américains.
Sur le registre diplomatique, le Royaume entend capitaliser sur son rôle régional avec l’appui de Washington. Les objectifs sont connus: consolider le statut du Maroc comme État pivot, et, plus largement, travailler à l’émergence d’une architecture régionale de sécurité adossée au binôme Maroc–États-Unis. Les axes couverts seraient la stabilisation du Sahel, l’appui à l’«Initiative Atlantique Africaine», ainsi qu’un rôle de médiation renforcé au Moyen-Orient, sous le leadership du roi Mohammed VI, en sa qualité de président du Comité Al-Qods de l’OCI. Rabat a parfaitement intégré que Donald Trump s’inscrit dans une logique transactionnelle assumée – give & take – où chaque concession appelle un retour concret.
Le Maroc dispose, dans ce cadre, d’arguments solides: un profil d’allié stable, un rôle avéré dans la sécurité méditerranéenne et atlantique, et un potentiel de coopération économique considérable. Au-delà de la reconnaissance irréversible de la marocanité du Sahara – première cause nationale –, Rabat recherche un accès élargi à la technologie militaire et aux capacités logistiques, ainsi que des investissements massifs dans ses régions stratégiques. Conscient du cycle politique et diplomatique en cours à Washington, le Royaume s’emploie à transformer cette conjoncture en avantage historique, articulé autour de quelques principes directeurs: sécuriser sa souveraineté, consolider sa puissance régionale et accélérer son développement économique. C’est bien à cette aune que se lira, dans les années à venir, l’impact réel de la doctrine Trump 2025 sur la relation maroco-américaine.
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Mots Clés
Doctrine Trump | Souveraineté | Maroc | Relations internationales | Investissements américains | Sécurité régionale | Géopolitique | Développement économique