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Le Maroc va-t-il revenir à l’heure GMT ?

Six ans après son adoption, le GMT+1 continue de faire débat au Maroc. Les matins sombres, le manque de lumière pour les enfants et les difficultés d’adaptation des citoyens ravivent les critiques, tandis que les économies d’énergie promises à l’époque apparaissent désormais dérisoires. Sur les réseaux sociaux, les voix réclament de plus en plus un retour à l’heure GMT, relançant une polémique qui ne faiblit pas. Cette mobilisation pourrait-elle influer sur la décision du gouvernement  ?

Alors que l’Europe reconsidère le changement d’heure, le Maroc maintient son fuseau GMT+1. Adoptée il y a six ans pour faciliter les échanges internationaux et réaliser des économies d’énergie, cette décision continue de susciter débats et contestations.

Depuis plusieurs semaines, les réseaux sociaux sont inondés de messages réclamant un retour à l’heure GMT, signe que de nombreux citoyens peinent encore à s’adapter à ce rythme. Parents, enseignants et employés dénoncent les désagréments quotidiens de ce décalage, particulièrement en cette période de l’année où le soleil se lève tard et où les matinées commencent dans l’obscurité. «Chaque matin, je dois réveiller mes enfants à 7 h alors qu’il fait encore nuit. Ils me disent qu’ils veulent encore dormir, car dehors, tout est encore plongé dans l’obscurité. Même à 8 h, lorsqu’ils arrivent à l’école, le soleil n’est pas encore levé. Ils sont épuisés, moins attentifs et ont du mal à se concentrer», raconte Samira, mère de deux enfants à Casablanca.

Youssef, employé à Rabat, partage le même ressenti : «Durant cette période, quand je pars travailler, il fait encore nuit. Ce n’est pas seulement désagréable, c’est aussi dangereux pour ceux qui se déplacent à pied ou en transport tôt le matin.»

Des effets visibles sur le quotidien et la santé

Au-delà du désagrément pratique, la question touche aussi à la santé publique. Plusieurs spécialistes alertent sur les effets du décalage horaire sur l’organisme. Troubles du sommeil, fatigue chronique et dérèglement du rythme biologique sont régulièrement signalés. «Le corps humain est naturellement réglé sur le cycle lumière-obscurité. Modifier ce rythme, même d’une heure, perturbe la sécrétion de mélatonine et crée une désynchronisation interne, surtout chez les enfants», explique le Dr Lamia El Idrissi, médecin généraliste. Elle précise que cette désynchronisation n’est pas anodine : elle affecte le sommeil, la concentration et même l’humeur. «Chez les plus jeunes, dont l’horloge biologique est encore en construction, ce dérèglement se traduit souvent par une somnolence diurne, une baisse de la vigilance à l’école et une irritabilité accrue. À long terme, le manque de lumière naturelle matinale peut également influencer le moral et la qualité du sommeil nocturne», ajoute-t-elle.
 

Face à la persistance du malaise et à la multiplication des appels citoyens, une question s’impose : le Maroc pourrait-il revenir en arrière et annuler le décret de 2018 instaurant l’heure GMT+1 ?

Une hypothèse que Rachid Essedik, président du Centre marocain pour la citoyenneté (CMC), juge tout à fait envisageable, à condition qu’elle soit mûrement réfléchie.

«Le débat autour de l’heure légale n’a jamais disparu au Maroc. À chaque rentrée scolaire et changement de saison, la question ressurgit sur les réseaux sociaux et dans les médias, signe que la décision de 2018 n’a pas totalement tranché le sujet dans l’opinion publique», affirme le président du CMC.

Selon lui, rien n’est irréversible en matière de politique publique, surtout lorsqu’une mesure touche directement au rythme de vie des citoyens, aux horaires scolaires et au fonctionnement des entreprises.

Réfléchir à un retour au GMT ?

Il estime toutefois qu’un éventuel retour à l’heure GMT ne devrait pas se faire par mimétisme avec l’Europe, où plusieurs pays débattent actuellement de la fin du changement d’heure. «Si l’Union européenne optait pour l’heure standard, la pression s’accentuerait naturellement au Maroc pour réexaminer notre position, puisque notre choix en 2018 s’inscrivait aussi dans une logique d’harmonisation économique. Cela ne garantirait pas une décision identique, mais le débat serait relancé», explique-t-il.

Mais pour Rachid Essedik, le Maroc ne doit pas agir par automatisme : «Toute évolution devra s’appuyer sur des données objectives - santé, sommeil, productivité, éducation - et sur l’écoute des citoyens. Le critère central doit rester l’intérêt national, même si le contexte européen peut jouer un rôle déclencheur.»

Le président du CMC rappelle d’ailleurs que le Royaume avait déjà procédé à une évaluation au moment de l’adoption du décret de 2018. Cette étude, réalisée par PwC pour le gouvernement, estimait les économies d’énergie à environ 0,17% de la consommation nationale, soit un gain d’environ 33,9 millions de dirhams sur la période considérée. Un impact réel, mais limité. «Dès lors, une question importante se pose : est-ce qu’une économie de l’ordre de quelques dizaines de millions de dirhams suffit à justifier une mesure qui modifie profondément le rythme de vie des citoyens, l’organisation scolaire, les horaires de travail et le bien-être des familles ?», souligne-t-il.

Pour le président du CMC, le débat ne doit plus être traité uniquement sous l’angle énergétique : «Il doit intégrer une vision globale : santé publique, performances scolaires, productivité économique, contraintes familiales, sécurité routière et perception citoyenne. La question de l’heure légale touche au quotidien de millions de personnes, elle mérite donc une réflexion apaisée, actualisée et fondée sur des données réelles, aujourd’hui comme hier.»

Cette réflexion, ajoute-t-il, doit être menée avec sérénité : «L’enjeu n’est pas de suivre la tendance internationale mécaniquement, ni de céder à des réactions ponctuelles ; il s’agit de savoir si le modèle horaire actuel sert toujours l’intérêt général, et de réexaminer ce sujet avec sérénité si les éléments objectifs, scientifiques, sociaux et économiques, le justifient.»

Rachid Essedik évoque aussi un aspect culturel et symbolique propre au Maroc : «Ramadan agit chaque année comme un signal. Dès que l’on revient à l’heure GMT, beaucoup de citoyens ont le sentiment de retrouver l’heure naturelle du pays. Ce simple retour rappelle que l’adoption du GMT+1 n’a jamais complètement remplacé ce repère dans l’esprit collectif», observe-t-il, avant d’ajouter que la question du fuseau horaire dépasse le cadre technique : «Elle touche à nos habitudes sociales et à notre rapport au temps.»

Quant à la pression de l’opinion publique, de plus en plus visible sur les réseaux sociaux, il estime qu’elle reste insuffisante pour provoquer un changement politique immédiat. «Depuis 2018, les critiques s’expriment régulièrement sur les réseaux sociaux, notamment à chaque rentrée scolaire. Pourtant, malgré cette mobilisation digitale, la décision n’a pas changé, et la société a fini, en partie, par s’adapter faute d’alternative institutionnelle», souligne-t-il.

Et d’ajouter : «Au Maroc, la mobilisation numérique ne suffit pas à modifier une politique publique. Le gouvernement hiérarchise ses décisions selon ses priorités, qui restent avant tout économiques et organisationnelles. Les réseaux sociaux peuvent faire remonter une préoccupation, mais ils ne déterminent pas l’action publique.»

Pour lui, «ce ne sont pas les argumentaires, aussi légitimes soient-ils, qui accéléreront un changement éventuel, mais une décision politique». L’heure légale en est l’exemple parfait : le débat existe et persiste, mais seule une volonté gouvernementale pourrait marquer une inflexion réelle.

Entre choix politique et attentes citoyennes

Sur le plan institutionnel, Rachid Essedik estime que tout retour à l’heure GMT devrait dépasser le cadre administratif : «Revenir à l’heure GMT ne peut pas être réduit à une simple décision administrative. C’est un choix qui touche au rythme de vie des citoyens, à l’école, au travail et au bien-être général. Dans ce type de question, la première référence doit être l’attente de la population.»

Et de préciser : «Si l’étude officielle parle d’une économie d’environ 33,9 millions de dirhams, alors la vraie interrogation est simple : est-ce que ce montant pèse plus que le confort quotidien de millions de Marocains ?»

Pour le président du CMC, la réponse est claire : «Le rôle d’un gouvernement est de créer les meilleures conditions de vie pour sa population. Si un retour à GMT permet d’améliorer le sommeil des enfants, la qualité de vie des familles, la sécurité le matin et la sérénité sociale, alors il s’agit d’un gain collectif bien plus important que quelques économies d’énergie. »

Enfin, il insiste sur la nécessité d’une décision durable et clairement assumée : «Si le Maroc devait revenir à l’heure GMT, cela devrait être une décision claire et stable. Les Marocains n’attendent pas un nouveau cycle de changements horaires, mais une stabilité définitive. Si retour il y a, il faudra l’assumer pleinement, l’expliquer sereinement et en faire un choix durable dans le temps.»

Et de conclure : «Ce changement devrait aussi s’accompagner de campagnes de sensibilisation sur la rationalisation de la consommation électrique, car l’efficacité énergétique ne dépend pas uniquement du fuseau horaire. L’objectif est de tourner la page du débat et d’installer un rythme cohérent, stable et responsable pour tous.»

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Mots Clés : 

GMT+1 | Maroc | débat public | santé | bien-être | horaires scolaires | sécurité | inclusion

 

 


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